Quand j’étais petite, je me répétais souvent que j’avais drôlement de la chance de ne pas être née au Moyen-Age.
Pourquoi ?
Parce que quand j’étais petite, j’étais plus proche de la rousse à la peau pâle et aux tâches de rousseur que de la brune (aux mêmes options). Or à l’école, on m’a appris que les rousses étaient brûlées sur le bûcher, la couleur de leurs cheveux révélant au reste du monde leur vraie nature : elles étaient sorcières.
Que dire des yeux qui changent de couleur selon la lumière du jour et des grains de beauté. Bref j’étais condamnée.
Si la société m’avais épargnée (ma foi : j’aurais pu élever des chèvres avec mes parents au milieu de la toundra), mon appendicite m’aurait emportée à 10 ans. Ou je serai tombée dans un précipice, un peu comme l’inventeur du Segway, à ceci prêt que je serais tombée parce que je n’y vois pas à 10 mètres, pas parce que j’aurais conçu une machine merdique.
Tout ça pour dire que j’ai toujours été contente d’être née au 20e siècle.
Au jour d’aujourd’hui, je me vois dans la nécessité de préciser cette affirmation.
Je suis très contente d’être née dans les années 80 et pas plus tard.
Pourquoi donc me direz-vous ?
Figurez-vous que l’autre jour, je regardais un reportage. Ca m’arrive souvent vous me direz. Mais là, le reportage était sur ZDF, une chaîne de télé allemande. En allemand, donc.
Titre du reportage : « Est-ce que mon enfant est normal ? »
Vous aurez compris ce qui m’aura retenu devant mon écran et qui m’aura fait écouter une émission en allemand à 22h30 un soir de semaine. Ceux qui me connaissent comprendront…
Est-ce que mon enfant est normal, donc…
Figurez-vous que si j’étais née entre l’an 2000 et aujourd’hui, j’aurais sûrement déjà suivi 100 thérapie chez 100 médecins différents, on m’aurait probablement fait prendre des antidépresseurs ou de la ritaline, voire les deux.
« Votre enfant n’est pas toujours concentré. Dans certaines matières, il suit parfaitement. Mais dans d’autres, on constate que son attention diminue. Il devrait prendre de la ritaline. »
« Votre enfant aime le bouddhisme. Il parle rarement à ses petits camarades, il est peu sociable, il préfère lire plutôt que de s’amuser. Il devrait voir un psychologue. »
« Votre fils se retire souvent dans son propre monde. Il souffre d’ACD…machinchose. Je vous conseille d’aller consulter. »
Heureusement, j’ai vécu à une époque où il m’était autorisé de m’emmerder royalement en cours d’éducation civique sans qu’on me prescrive de la ritaline. Merci dieu : j’ai pu trouver ma prof d’anglais de 6e horriblement chiante et peu pédagogue sans être condamnée à une thérapie.
Oui, j’ai toujours adoré lire des livres, imaginer des histoires et en écrire, mettre de la musique et déconnecter mon cerveau de la réalité pour l’emmener vers des régions où tout est possible. Non, je ne pense pas que ça ait fait de moi un enfant à soigner, pas plus que ça ne fait de moi quelqu’un d’anormal. A vrai dire : comment s’occuper en voiture quand on ne conduit pas. En dormant ou en rêvant, évidemment.
Oui, en bonne première de la classe j’étais moquée à l’école, mise à l’écart, ignorée. Que dire de cette douce époque où au mieux on m’ignorait, au pire où on me crachait dessus en cours. Il est bien évident que si j’avais peur d’aller voir mes petits camarades et que je n’étais jamais aussi heureuse qu’avec moi-même, c’était parce que j’étais psychologiquement dérangée.
Ce ne sont ici qu’une partie des exemples que j’ai vu dans ce reportage. Un reportage germano-germanique, évoquant un fait qui semble se développer dans le pays.
Les enfants sont uniques et on a peur de les rater à la production (milliards de livres sur le sujet, conseils de tout le monde, ligne à suivre). On craint également de rater leur éducation, de manquer une étape essentielle ; on regarde les enfants comme une bombe prête à exploser. Si on ne parvient pas à mettre un nom sur chacun de ses mouvements, un diagnostic sur chacun de ses comportements, sa vie sera sans conteste finie, son futur ruiné.
C’est du moins l’impression que m’a laissée ce reportage. Il se peut que je me trompe et que la situation ne soit pas aussi dramatique dans toute l’Allemagne. Il me semble en tous cas qu’on ne soit pas encore arrivé aussi loin en France…
Je m’en vais prendre ma ritaline et je reviens… A la prochaine !